Le secret du bon pain - Boulangerie paysanne, 2018

Aus BiodynWiki
Film Boulangerie paysanne 2018

Einleitung

"On fait le pain comme si on le faisait uniquement pour nous".

Hélène, Rodolphe et son frère Matthieu exploitent un four à bois dans une ferme ancienne de 400 ans à Thuré Vienne), où ils vivent leur vision d'agriculture. Leurs réflexions et leurs actions s'inspirent de l'agriculture biodynamique et de l'anthoposophie de Rudolf Steiner. Le travail est holistique. La ferm est un organisme.

L'activité a commencé avec la boulangerie du four à bois. Entre-temps, elle a été prolongée. Le frère de Rodolphe, Matthieu, dirige une élevage porcin. Matthieu et Rodolphe cultivent des champs pour la culture d'anciennes variétés de céréales de la région. Le fumier de porc est utilisé pour fertiliser le sol. La fertilisation du sol se fait sans engrais minéral. Les pesticides ne sont pas utilisés.

Ce film donne un profond aperçu de l'état d'esprit et de la philosophie des trois protagonistes, ainsi que de leur pratique artisanale.

À propos du réalisateur du film, François Hagdorn : Il s'intéresse aux personnes qui sont authentiques et qui vivent et travaillent de manière authentique. Si l'action ne se fait pas pour l'argent, mais "en et pour soi", c'est-à-dire comme un art, comme l'expression d'une attitude intérieure face à la vie et pour le plaisir des êtres et de la vie, alors c'est magnifique et cela peut donner aux spectateurs le sentiment de se sentir en paix, d'"arriver" à soi-même, ou plutôt d'"arriver" en soi-même.

Transkription

+++ Der Rohtext wurde rein maschinell erstellt, er befindet sich in Ausarbeitung "mit Hand und Fuß". Wenn du dich bei so was einbringen möchtest, - schön! Dann bitte melden und bei MitTun nachschauen. +++

[Sprecher 1]

On fait le pain comme si on le faisait uniquement pour nous en fait. Ce n'est pas moins important, c'est la même chose. On essaie d'être cohérent entre la façon dont on fait le pain, dont on va traiter le sol, et la façon dont on vit au quotidien nous-mêmes.

Il n'y a pas de différence. Ce n'est pas comme un agriculteur qui va avoir une grande exploitation conventionnelle mais qui aura un petit bout de jardin en bio pour lui. Pour nous ça n'a pas de sens.

Et ça existe ! Il y a des légendes. Les stéromptiques, il y a des légendes.

Après, il sera obligé de bouger, mais... C'est pas toujours, on dirait qu'il ne faut pas toujours. Il y a une base qui est correcte, mais par contre, elle atteint vraiment la qualité, et pour moi, ça fait l'égalité.

Après, j'apprécie beaucoup le calme de la nuit quand je travaille tout seul ici. Donc, tu vois, comme là, ta visite, par exemple, ça ne me dérange pas du tout, mais ça me dérangerait si c'était à chaque fois. C'est un moment de calme, pour moi, que j'aime particulièrement, en fait.

Donc, ça ne me dérange pas de le partager de temps en temps, mais pas systématiquement. Je suis bien, là, la nuit, tout seul. C'est aussi...

Ça dépend de mon humeur du moment ou de mon état psychologique, mais c'est aussi un moment assez méditatif pour moi, de travailler seul ici avec la matière, quoi. Comme quoi, on peut réconcilier matière et esprit. C'est pas mal.

Il ne faut pas se fier à l'étiquette. Ce n'est pas de l'eau du commerce. C'est de l'eau du réseau, en fait, du robinet, mais qui est passé par un osmoseur qu'on filtre et qu'on dynamise.

Donc, souvent, l'eau, c'est un facteur qui est négligé. Et quand on reçoit EcoCert, qui est notre organisme certificateur pour la certification biologique, ils regardent tout. Et un truc qu'ils ne regardent jamais, c'est l'eau.

Et c'est quand même 40% du pain, quoi. Donc, comment est-ce qu'ils peuvent négliger un ingrédient qui fait au moins 40% de ce que tu prépares ? Pour eux, comme ça vient du robinet, c'est potable, c'est parfait, il n'y a rien à dire.

Et ils n'ont pas de mesure de contrôle là-dessus. Et pourtant, l'eau, c'est vraiment un élément fondamental, quoi. Donc, les blés modernes, aujourd'hui, sont adaptés aux machines.

Parfait pour le pétrin mécanique. Très difficile à pétrir à la main. Ça demande un effort énorme.

Le problème, c'est que les machines les digèrent très bien, mais plus les hommes. C'est quand même dommage. Là, c'est le contraire, on est sur des variétés anciennes où les hommes vont les digérer très bien, mais les machines ont du mal avec, parce qu'elles sont trop brutales.

[Sprecher 2]

Les odeurs, le goût, même l'aspect visuel, tout ça. La structure, la texture. Moi, c'est des choses auxquelles je suis vraiment sensible, et c'est important pour moi de travailler ça.

C'est vrai que l'odeur, le goût, c'est important, mais moi, j'aime aussi que les choses soient jolies. Mais il ne faut pas que ce soit que le goût. Si c'est que le goût, ça ne me suffit pas non plus.

Parfois, on peut voir des très beaux gâteaux, des pains qui peuvent être très beaux extérieurement, mais après, gustativement parlant, ce n'est pas très intéressant. Nous, on a cette utopie, peut-être. En tout cas, on a cette exigence de faire un produit qui nous convient et qui soit total, si je puis dire.

C'est-à-dire que tous les sens se retrouvent dans le pain, dans le produit. C'est-à-dire que c'est important que ça sente bon, c'est important que ça ait du goût. L'aspect extérieur va être important, la texture aussi.

Rodolphe parlait de texture, de légèreté, d'avoir aussi une croûte qui est croustille, et du coup, avoir un poulet de qualité. Tout ça, c'est lié, un, aux matières premières qu'on utilise pour faire nos produits, mais aussi à la façon dont on les fait. Et après, l'énergie aussi, l'état d'esprit avec lequel on les fabrique.

Tout ça, c'est important. C'est ce qui fait qu'on a envie de donner ça. Enfin, de le donner.

On le vend, certes, mais en tout cas, de le partager avec les gens. Et comme dit Rodolphe, on fait le pain qu'on aime. Si tu veux, c'est comme la gâche, la brioche, que je faisais tout à l'heure.

Je t'expliquais, la gâche, c'est une brioche traditionnelle vendéenne. La Vendée, moi, je suis Vendéenne de naissance. Mes racines sont là-bas.

Et pour moi, c'était important de faire ça, parce que c'est vraiment les souvenirs d'enfance. C'est avec ça que j'ai grandi. C'est vraiment quelque chose d'important dans mes racines.

Et les jambes, ici, ce n'est pas ça, le gâteau traditionnel. Ici, ça s'appelle le broyé du Poitou. Tu m'as peut-être mangé.

Tu sais, c'est une galette ronde. C'est un sablé assez épais. Il est dur.

Et souvent, on le casse avec le poing, en fait. Donc ça, c'est vraiment le gâteau local. Et tout le monde me disait, mais pourquoi tu ne fais pas du broyé du Poitou ?

Je dis, mais moi, je ne suis pas d'ici, moi. Et ça, ce n'est pas mon gâteau. Enfin, je peux en manger, mais ça ne me parle pas, tu vois.

Ce n'est pas en résonance avec moi. Et je pense que si je faisais ça, je ne le ferais pas bien. Parce que ce n'est pas moi.

Je préfère que ce soit des gens d'ici qui fassent ça. Parce qu'eux, ils ont le souvenir de comment leur grand-mère ou les gens qui avaient le savoir-faire le faisaient. Et quelle texture ça doit avoir.

Quelle présentation ça doit avoir. Tout ça. Et ça, moi, je le sais au niveau de la gâche.

Mais je ne le sais pas au niveau du broyé, tu comprends. Et moi, une gâche, oui, ça me parle. Et du coup, même si ici, du coup, ce n'est pas le pays de la gâche, ce n'est pas grave.

Les gens, ils apprécient. Puis après, des fois, je retrouve des gens de mon département qui me disent, ah ouais, elle est vraiment très bonne. Ou quand j'en emmène, du coup, dans ma famille, qui me disent, ah non, mais c'est exactement ça qu'on mangeait quand on était petit, tu vois.

Ou qu'on faisait dans les fermes, avant, dans les vieux fours. Et du coup, ça fait un vrai compliment pour moi. Qu'après, c'est une façon de présenter, oui, moi, ce que j'aime et ce que je sais faire, en fait.

Tu vois. Et donc oui, je suis d'accord avec toi de notre pain. Il dit quelque chose de nous.

La gâche, elle dit quelque chose de nous. Enfin, nos produits, ils parlent de nous, bien sûr, oui.

[Sprecher 1]

L'histoire des températures, c'est très important. La fabrication du pain, c'est une conduite de fermentation. Comme le vin, comme le fromage, comme la choucroute, comme une salaison aussi.

Tout ça, c'est des fermentations lactiques, c'est-à-dire, certainement, le mode de conservation des aliments le plus ancien que connaisse l'humanité. Un des plus anciens. Dans la fermentation, ce qui joue beaucoup, c'est le rapport entre le sec et l'humide, le chaud et le froid.

C'est vraiment un des critères de pilotage les plus importants. Donc là, je cherche une température de pâte à 26°C. Moi, je travaille des pâtes assez chaudes.

Ça favorise la fermentation. Donc là, je vais mettre une eau à 27°C. Et là, je vais préparer une pâte d'un pain qui contient des abricots, des amandes et des raisins.

Donc on l'a appelé abricots, amandes, raisins. On n'a pas été très créatifs. On a été simples.

Ça, c'est le levain que j'ai déjà prélevé pour cette fournée-là et que je vais réutiliser tout à l'heure. On voit toutes les bulles et tout ça, c'est vraiment le produit des dégagements gazeux. Je dis ça souvent, c'est mon cheptel.

Il y a quelques millions de têtes en bactéries et en champignons. Donc en fait, c'est un écosystème microbiologique, vivant, très vivant. Et là, je suis en train de le diluer dans l'eau.

Je considère que l'eau, c'est comme le messager dans le pain. Ce qui est intéressant pour les gens qui se posent ces questions-là, c'est qu'on va voir ce que devient le gluten là-dedans. C'est du blé, c'est une farine de blé, celle qui est faite sur la ferme.

Donc là, elle a déjà, à l'intérieur du levain, simplement un mélange de farine et d'eau avec ce qu'on appelle le ferment, donc la semence microbiologique qu'on conserve. Et ça a déjà subi une fermentation de quelques heures. Et là, quand je vais, à force de mélanger, tu vas voir, c'est ça, tu pourras le filmer.

En fait, le gluten qui est la protéine du blé et dont on tire le seitan ou le seitan. Ça, c'est du pur gluten, une pure protéine de blé. Et en fait, c'est comme une grosse boule de chewing-gum.

Et là, tu vas voir que dans l'eau, en fait, il ne va plus rien rester. C'est comme de la magie. Le gluten a disparu.

C'est-à-dire qu'il est devenu entièrement soluble dans l'eau. Il a été hydrolysé. Donc, voilà.

Et si tu regardes, là, à part quelques miettes, la matière solide que j'ai mise à l'intérieur, elle a littéralement disparu. Elle s'est complètement solubilisée à l'intérieur de l'eau. C'est l'eau qui l'apporte.

Il n'y a plus rien de solide à part les amandes. Il n'y a plus de pâte, il n'y a plus rien. Donc, le gluten, là, il a disparu.

Et ça, c'est important pour les gens qui pensent qu'il ne faut plus manger de blé, qu'il ne faut plus manger de pain, parce que le gluten, c'est un poison, etc. Donc, c'est vrai, dans une certaine mesure. Je ne vais pas rentrer dans les détails du débat.

Mais quand il est travaillé correctement, en fait, le processus vivant, biologique, transferme la matière. C'est un début de fermentation. Et en fait, il disparaît en tant que protéine au départ.

La chaîne de protéines a été cassée. Il y a une prédigestion qui s'est opérée. Ce qui veut dire que pour notre organisme à nous, ce n'est plus un problème de l'assimiler.

Le travail a déjà été fait par le vivant. Et ça, il y a beaucoup de gens qui l'ignorent. Et c'est dommage, parce que, du coup, en français, on a une expression dite « jeter le bébé avec l'eau du bain ».

Non, il faut garder le bébé. Donc, il faut être vigilant, faire attention avec ces histoires de gluten. Mais il ne faut pas dire que maintenant, le pain, ce n'est plus un aliment digne et d'intérêt.

Non, c'est une grosse erreur pour moi. Et pas seulement parce que je suis boulanger. Je le pensais déjà avant d'être boulanger.

Sinon, je n'aurais pas fait de pain. Non, c'est un aliment très riche. Très riche.

Donc là, le four, il renoircille. Et après, il va blanchir encore. Il va spiraliser.

Ça, c'est beau aussi. C'est du boulot. C'est plus facile avec les trics.

C'est bon. C'est bon. Il faut que tu prennes l'autre porte.

Quand on réduit drastiquement le niveau de farine, à un moment, ils se retournent vers ça. De toute façon, ils n'ont plus que ça. Ils le mangent bien.

Je suis en train de tester les dosages, mais ils ne m'en laissent jamais. Ils vont chercher ce qu'ils trouvent le meilleur. Et puis après, ils le mangent.

C'est devenu une vraie question sociétale à l'heure actuelle. La consommation de la viande. Personnellement, et au-delà du véganisme, si je produis de la viande, si je veux faire de la viande de qualité, qui va avoir un certain coût, mais c'est aussi dans le but que les gens arrêtent d'acheter, mangent moins de viande.

C'est-à-dire que la fois où ils en achètent, ils aient quelque chose d'agréable à manger, autant au terme nutritif que gustatif. Mais après, qu'ils se rendent compte, oui, ça a un certain prix, parce que ça a un certain coût pour la planète aussi, quoi qu'il en soit. Et donc, on revient, nous, sur des petites unités d'élevage, où la philosophie biodynamique reprend tout son sens, c'est-à-dire d'avoir un organisme qui, au maximum, puisse s'auto-entretenir.

C'est-à-dire que les cochons vont m'amener de la fumeur, la fumeur va aller dans mes champs, mes champs vont produire des céréales, qui pour partie, grosse partie, vont nourrir les hommes, petite partie vont quand même nourrir mes bêtes un petit peu aussi. C'est normal qu'ils en récupèrent aussi. Et après, d'avoir un système qui, pour grande partie, s'auto-entretient, fonctionne.

De toute façon, l'agriculture sans animaux, c'est... c'est une hérésie. C'est un des grands...

un des grands oublis du XXe siècle, ça, que la fumeur minérale puisse tout remplacer. C'est assez génial, j'avais été dans une conférence d'un groupe français qui s'appelle BASE, c'est des agriculteurs qui ont arrêté de travailler le sol, qui ne labourent plus, mais qui sont quand même en conventionnel, c'est-à-dire qu'ils utilisent toujours la fumeur minérale, des choses comme ça. Et c'est intéressant, il y avait un universitaire français qui a fait une recherche.

Là aussi, ça aura retourné dans la politique, mais on est sur un sujet brûlant en France à l'heure actuelle, c'est-à-dire le glyphosate. Ils avaient mis une expérimentation en place pour voir si le glyphosate était réellement nocif ou pas, pour la vie, on va dire. Les résultats...

Je veux dire, il n'y a qu'une expérience, c'est pas suffisant pour faire une validité scientifique, mais ces résultats n'allaient pas dans le plus mauvais sens, c'est-à-dire que c'était vraisemblablement, le glyphosate était pas très bon, mais pas si mauvais que ça. Par contre, ce qui était drôle, c'est qu'ils ont découvert accessoirement que la fumeur minérale, c'est-à-dire aller mettre de l'azote minéral dans le sol, ça, c'était très très très mauvais. Et j'ai trouvé ça drôle.

Bon, les collègues là-bas, ils se sont empressés de dire, signe-nous un papier, parce qu'on était à l'époque où la France parlait d'interdire le glyphosate. Faut que t'écrives ça, faut qu'on le publie, faut qu'on montre au monde entier que le glyphosate n'est pas dangereux pour ça. J'ai trouvé ça assez drôle.

Mais la vraie information derrière tout ça, c'est que c'était la fumeur minérale, c'est dangereux. Et c'est un non-sens agricole. Ça tue les bactéries, donc ça...

Certes, ça va nourrir directement la plante, et ça va faire des belles plantes bien vertes, bien grosses, et... avec du grain bien gras. Mais par contre, ça tue le support sur lequel la plante est censée pousser.

Donc bon, de toute façon, ça ne permet qu'une vue à court terme. Et là, on voit bien déjà de toute façon les dégâts au bout d'un siècle d'utilisation de ces produits-là. Sachant que sur ces un siècle, il n'y a eu jamais qu'un demi-siècle d'utilisation intensive.

Donc après, c'est ça que je trouve qui me sidère, c'est qu'on n'arrive pas... On préfère fermer les yeux. C'est un problème de l'homme, ça.

Faut qu'il se soit brûlé le doigt très très très fort pour commencer à réagir. Quand ça chauffe juste, c'est pas suffisant.

[Sprecher 2]

Il y a aussi beaucoup d'idées toutes faites sur le pain bio ou les produits biologiques. C'est trop cher ? C'est plus cher ?

Est-ce que c'est vraiment vrai tout ça ? Il y a plein d'idées préconçues, en fait. Et quand tu expliques...

Moi, ce que je trouve important en faisant le marché, c'est que tu expliques aux gens. Après, je ne cherche pas à convertir spécialement les gens. Moi, je dis ce que je fais et pourquoi je le fais et pourquoi ça a du sens pour moi de le faire.

Après, si les gens n'accrochent pas ou qu'ils n'aiment pas, parce que je peux comprendre que les gens n'aiment pas ce bleu peint. C'est leur droit le plus strict. Moi, je...

Après, je pense que ça ouvre certains sur... Sur une autre façon de voir les choses, sur une autre façon de vivre aussi, sur des... des univers, des dimensions que certains ne connaissent pas du tout, en fait.

Et ça, c'est important pour moi. C'est important pour nous parce qu'on sème des graines, si tu veux. J'ai vraiment cette sensation-là de semer des graines, en fait.

Il y a des graines qui vont pousser tout de suite, qui vont germer et pousser. Il y en a d'autres qui vont rester en dormance une semaine, un mois, un an, dix ans, tu ne sais pas. Et puis, il y en a peut-être qui ne fleuriront jamais, voilà.

Mais... Mais ce qui compte, c'est de semer. Après, tu...

Tu t'en remets au destin. Je disais que ça fait deux ans et demi qu'on fait le marché à Chateaubriand. Et avant, notre pain était vendu par des amis producteurs de produits laitiers, qui sont eux aussi en agriculture biologique.

Et déjà, on vendait bien, si tu veux. Et donc, à un moment donné, ils ne pouvaient plus le faire parce qu'ils avaient beaucoup de produits. Nous, il y avait de plus en plus de demandes de pain.

Donc, ils nous ont dit que ça serait bien que vous veniez aussi sur le marché. Et ça nous a permis de nous rendre compte que... Mais il y avait pas mal de gens, déjà, qui connaissaient notre pain.

Et puis après, le fait de le vendre nous-mêmes, on apportait des informations, comme je te disais, des explications sur comment on travaille, notre philosophie. Donc, ça nous a apporté une autre clientèle. Et en deux ans et demi, moi, j'ai vraiment vu l'évolution de la clientèle.

C'est-à-dire qu'au début, on avait vraiment des gens qui sont convaincus, déjà, tu vois, qui sont militants, qui sont... Pour qui la nature, l'écologie, c'est vraiment important. On a des gens qui étaient déjà soucieux de l'alimentation, de l'environnement, etc.

Et aujourd'hui, on a des gens je dirais qui ont... qui ont aussi des problèmes de santé, plus, qui sont pas spécialement écologistes, etc. Mais qui, par la santé, par leur alimentation, par le problème du quotidien, parce que manger, c'est tous les jours, en fait, ils viennent nous voir.

Et après, je vois aussi, il y a des personnes, par exemple, ça fait deux ans qu'ils passent devant mon banc, qui ne me font que regarder, et puis tout d'un coup, un jour, ils vont s'arrêter.

[Sprecher 1]

Voilà, c'est fini. C'est terminé. Donc, tu vois, ça a pris quelques minutes.

Là, il y a, je sais pas exactement, mais il y a entre 15 et 20 kilos de pâtes. Donc physiquement, c'est quand même c'est une petite intensité, mais sur le moment, ça demande de l'énergie. Ça demande vraiment de l'énergie.

Tu transmets ton énergie à la pâte. C'est pour ça que quelque part, on pourrait dire, à la fin d'une journée, t'es réellement obusé. T'es vidé.

Et les gens, c'est pareil, souvent ils n'en ont pas conscience, mais on pourrait dire que quand ils mangent le pain, ils ne mangent pas que le pain. Ils mangent beaucoup de choses, mais ils mangent aussi un peu le boulanger. Parce que il y a beaucoup de moi-même et des autres qui vont participer.

Il y a beaucoup de nous-mêmes à l'intérieur de ce produit. Et littéralement, surtout dans ce mode de fabrication, où on est très peu mécanisé, ils mangent littéralement notre énergie. Là, c'est la huitième année que je fais du pain.

J'ai toujours travaillé à la main en pétrissage manuel. Parce que, pour beaucoup de raisons, j'aimais beaucoup le contact direct avec la matière. Ça m'a permis de comprendre beaucoup de choses.

Malheureusement, physiquement, je commençais à avoir de l'usure. Aux tendinites, aux coudes, à l'épaule, etc. À un moment donné, j'ai été contraint de faire ce choix.

Parce qu'il faut que je m'économise physiquement, si je veux pouvoir durer un peu. Et donc, à regret, après, j'ai acheté un pétrin mécanique. Pour me consoler, j'ai pris la Rolls des pétrins.

C'est ce qu'on appelle un pétrin à bras plongeant. Là, on voit les deux bras qui plongent. C'est un pétrin qui reproduit le mouvement des bras de l'homme.

Mais, ça ne me convient pas. Parce qu'on essaye de travailler le plus possible avec des variétés anciennes de blé. Et ça supporte très mal la machine.

Parce que les glutènes, justement, sont très fragiles. Et, contrairement à ceux des blés modernes. Et, ce qui leur convient le mieux, c'est vraiment le travail manuel, parce que c'est beaucoup plus doux.

Et ça, même en utilisant la machine le moins longtemps possible, et le plus doucement possible, c'est encore trop brutal pour le glutène des variétés anciennes. Variétés modernes, c'est pas du tout un problème. Parce qu'en fait, ils ont fait évoluer les plantes avec les machines.

Et vice-versa. Quand on parle de boulange, nous, on parle de boulange paysage, on est attentifs aux termes. Il y a des termes poétiques.

Par exemple, quand je vais mettre le levain dans la pâte, je vais dire ensemencer ma pâte. Il y a beaucoup de métaphores agricoles. Par contre, dès qu'on passe dans l'univers de la machine, ce que je suis en train de faire, ça s'appelle le décuvage.

C'est un mot absolument sans aucun charme. C'est... Ça traduit bien l'univers de la machine pour moi.

Et je suis pas technophobe. Pas du tout. Mais...

On n'a pas le même rapport aux éléments, je trouve, si on met l'écran de la machine entre nous et les éléments. Et... Ça...

C'est l'univers du monde. Même si les machines peuvent nous rendre énormément de services par ailleurs. Mais...

Aujourd'hui, à notre époque, on vit dans le culte de la machine. C'est un des nouveaux dieux. Et ça, c'est excessif.

... ... la couleur, ça me fait péter, il reste des petits morceaux de charbon, j'aime bien les couleurs qu'on sort sur les sols des pins parce qu'en fait on retrouve une couleur tercuite, c'est des matériaux dans lesquels on se sent bien, ça ne me dérange pas de sacrifier un peu de confort technique, peut-être que quand j'aurai 65 ans je ne dirai pas la même chose, je ne sais rien, mais aujourd'hui c'est pas grave, je préfère descendre une marche, faire quelques allers-retours et travailler dans un endroit qui m'inspire, alors que les laboratoires où on transforme la viande, même certains laboratoires de boulangerie, moi j'appelle ça les morgues, le vivant n'a pas le droit d'y entrer, ici il s'arrête la vie, on rentre là-dedans, il faut mettre une charlotte, des bottes, des gants, c'est limite s'il ne faut pas porter un masque, c'est n'importe quoi, moi je ne peux pas travailler là-dedans, je refuse, je refuse, moi je veux pouvoir travailler au niveau de la nature, ça c'est juste un prolongement de la nature, je veux pouvoir me mettre pieds d'une, je veux pouvoir ranger mon petit chat, il est hors de question que j'accepte les dictates liées à cette traduction de l'hygiène qui pour moi est excessive, excessive, inutile, bien souvent, et qui rejoint l'absurdité dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire que ça ne gêne personne de mettre des tonnes de produits chimiques toxiques dans les sols où on mange, par contre si on a le malheur d'entrer dans un endroit comme ça, préparé à manger, on va tous mourir, c'est quoi cette poésie qu'il y a dessus, on peut dire que des gens comme nous qui ont envie d'expérimenter des choses avec le vivant, on est des aventuriers du vivant ou des explorateurs du vivant, comme le sont des chercheurs, et c'est pour ça aussi qu'il y a beaucoup de collaborations dans le milieu de la boulange paysanne et de l'agriculture paysanne de plus en plus avec le monde de la recherche scientifique, dans des programmes qu'on appelle de recherche participative, et ça je trouve que c'est une des grandes richesses de notre époque en ce moment, c'est ce rapprochement entre des scientifiques purs mais qui ont une prise de conscience alternative, on va dire, et qui se rapprochent du champ, sortent de leur laboratoire tout en en conservant les compétences et les possibilités que ça peut offrir, mais qui viennent au contact des agriculteurs, des paysans, et qui travaillent avec nous vraiment pour mettre les choses au point. Alors déjà à la base, sur le plan du sang, c'est soigner quoi, mais autrefois mes grands-parents quand ils allaient s'occuper des animaux, ils disaient on va soigner les animaux, tu vois, le soin, il y a une notion de prise en charge, tu acceptes la charge, et tu te mets au service du bien-être, de ce pour quoi tu travailles, si c'est des animaux c'est des animaux, si c'est des gens c'est des gens, si c'est de la terre c'est de la terre, des plantes, ça peut être tout, et c'est juste ça cette idée de soin, c'est-à-dire que tu cherches à nuire le moins possible, nuire le moins possible, déjà c'est bien, et si en plus tu peux aider un sol ou un animal ou une personne, on a exactement la même approche avec les gens qu'avec le vivant, on ne fait pas de différence, si tu peux les aider à aller mieux, à un moment où ça va mal, tu le fais, et on avait songé un truc qui est très banal, si on avait dû mettre un intitulé à ce qu'on fait ici on aurait dit le soin à la terre et aux hommes, ce qu'on a envie de faire, c'est vraiment ça, et c'est ce qui nous relie avec Hélène, parce qu'elle c'est une thérapeute, donc elle est entrée par le soin apporté aux personnes, et j'ai hésité d'ailleurs longtemps moi aussi à emprunter la voie du thérapeute, et je me suis rendu compte que ce n'était pas ce soin là auquel je souhaitais me consacrer pleinement, je suis tout à fait heureux de pouvoir participer à ce type de soin, j'ai un minimum de formation pour ça aussi, mais si on doit aider quelqu'un qui va séjourner ici, c'est Hélène qui va prendre les choses en main, vraiment, parce qu'elle est plus pertinente que moi, moi je vais juste être un soutien, par contre sur les terres et tout ça c'est plus moi et Mathieu, là c'est nous qui allons aller, et Hélène elle vient en soutien, donc on partage tous les trois cette dimension du travail qu'on a fait sur nous en psychothérapie, par différentes voies, et on s'est efforcé de beaucoup travailler sur nous-mêmes pour déjà aller mieux, nous améliorer nous-mêmes et dans notre relation aux autres, et tout ça ça évolue ensemble, et ça ne me dérange pas de me dire aujourd'hui, les 30 prochaines années c'est ça que je vais faire, c'est la première fois dans ma vie où je me dis oui c'est possible, avant tous les deux ans, on va dire que ça fait partie du sens que j'ai trouvé dans ma vie, et je me sens utile en faisant ça, je me sens vraiment utile, pas seulement à moi, à l'ensemble, j'ai l'impression de participer à l'ensemble, j'essaye, et d'une manière positive, que mon apport soit positif pour les hommes, pour la société, et pour la nature et le vivant qui nous permet d'exister, donc j'essaye, on essaye tous ensemble.

Einzelnachweise